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Lockerbie . Envoyé personnel du secrétaire général des Nations-Unies au procès des deux Libyens, Hans Köchler, présent au Caire à l'occasion d'un colloque sur Lockerbie tenu à la Ligue arabe les 6 et 7 avril, parle des conditions du déroulement du procès et de ses suites.
Le verdict est le résultat d'influences politiques

Al-Ahram Hebdo : Quelle analyse faites vous du procès Lockerbie ?
Hans Köchler : En observant le cours du procès, j’ai remarqué qu’outre la présence de l’accusation, il y avait deux personnes du bureau du procureur général américain, dont les noms ne figuraient pas dans les documents renfermant les informations officielles concernant les parties prenantes au procès. D’autre part, on a vu ces deux personnes s’entretenir avec le groupe d’accusation au cours des séances, examiner les informations, et faire passer des documents. Pour tout observateur neutre, ceci veut dire que ces deux personnes étaient des superviseurs qui orientaient les stratégies de l’accusation et voilaient certains documents concernant l’affaire.
Pour ce qui est de la défense, la présence d’un avocat libyen, qui occupait jadis des postes officiels en Libye, donnait un aspect politique au procès.
Rappelons que de grands efforts ont été déployés pour masquer des informations importantes susceptibles d’éclairer les juges, dont celles provenant de la CIA concernant l’ex-double-agent secret libyen Abdel-Méguid Al-Gaïka. De même, on a entravé le suivi de la déclaration selon laquelle un gouvernement étranger détiendrait des informations importantes qui serviront la défense (en référence à ce qui a été dit à propos d’un document du Front populaire pour la libération de la Palestine qui innocenterait les accusés).
On en déduit qu’on a permis à certains gouvernements étrangers ou agences secrètes — même indirectement — de décider des preuves à présenter au tribunal. Ainsi, le verdict de la cour condamnant le premier accusé, Al-Amin Khalifa Fhemah, était incompréhensible et ce puisque les juges eux-mêmes ont admis que le témoignage apporté par le commerçant maltais contre le premier accusé était à contester.
— Pensez-vous que le verdict du tribunal écossais a été influencé par ces considérations ?
— L’avis du tribunal manquait de logique puisqu’il a jugé le premier accusé coupable et le second non-coupable. Alors que l’accusation a reposé dès le départ sur le fait que les deux accusés ont été impliqués conjointement. La crédibilité juridique faisait défaut au verdict. Les juges ont ordonné un non-lieu de l’un des plus importants éléments de l’accusation selon lequel les accusés ont introduit, le 2 décembre 1988, dans l’aéroport de la Valette (Malte) la valise supposée être utilisée pour cacher la bombe qui a fait exploser l’avion de la Pan Am. Dans ce contexte, le verdict final du tribunal a été probablement régi par des considérations politiques. Ou bien il a été en grande partie le résultat d’une influence évidente exercée par certaines parties en dehors du cadre juridique. Pour ce, le tribunal a été en somme injuste et il faut poursuivre la recherche de la vérité afin de faire prévaloir la loi et les droits des familles des victimes.
— Pensez-vous que la Libye se verra obligée de verser des indemnités aux familles des victimes de l’avion ?
— 
Je ne crois pas que la Libye se trouve contrainte de verser des indemnités tant qu’il n’a pas été prouvé de manière absolue la culpabilité du libyen Al-Megrahi. Et même en cas de condamnation définitive de l’accusé libyen, on ne peut pas confirmer que les autorités libyennes ont été impliquées dans l’affaire. Du point de vue juridique, le dernier mot revient au tribunal en vertu des preuves qu’il détient. Mais si la Libye a le sentiment qu’il s’agit d’une affaire politique, elle est en droit de réclamer des indemnités pour de nombreux actes d’agression et de destruction. Ceci signifie qu’il faut qu’il y ait une transaction. De fait, le problème dans ce procès, c’est l'amalgame entre les deux côtés politique et juridique.

Propos recueillis par
Atef Saqr

 

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